Processus de changement Rogers
Suite à notre présentation des travaux de Carl R. Rogers, l’article suivant traite du processus de changement dans cette logique rogérienne.
Pour essayer de saisir et de conceptualiser le processus de changement, Carl R. Rogers a cherché les éléments susceptibles de caractériser le changement lui-même. D’après lui, le continuum le plus significatif se développe à partir d’un point fixe vers le changement, à partir d’une structure rigide vers une fluidité, à partir d’un état de stabilité vers un processus évolutif. L’hypothèse était que les qualités de l’expression du client pourraient à tout moment indiquer sa position dans ce continuum.
Il a pu établir ainsi le concept d’un processus, dans lequel il a distingué sept phases. Le processus qu’il a voulu décrire s’applique plus exactement à certains domaines des intentions subjectives et il a fait l’hypothèse que le client se trouve dans ce domaine à un stade bien défini et ne présente aucune caractéristique propre aux autres stades. Par ailleurs dans la description du processus, il établira un lien avec l’attitude du thérapeute qui va faciliter cette évolution.
Premier stade
Refus de communiquer personnellement.
Communication uniquement sur des sujets extérieurs. Les sentiments et les opinions personnelles ne sont ni perçus ni reconnus comme tels. Les schématisations personnelles sont extrêmement rigides. Se trouver en relations intimes et personnelles avec quelqu’un est ressenti comme dangereux. À ce stade, aucun problème personnel n’est reconnu, ni perçu. Il n’y a aucun désir de changement. Il y a beaucoup de blocages dans la communication interne.
Deuxième stade
Expression concernant des personnes autres que lui-même, devient moins superficielle.
Les problèmes sont perçus comme extérieurs à soi. Aucun sentiment de responsabilité personnelle à l’égard de ses problèmes. Les sentiments sont décrits comme des objets que l’on ne possède pas ou parfois comme appartenant au passé. Les sentiments peuvent être extériorisés, mais ne sont pas reconnus comme tels, ni revendiqués. L’expérience immédiate est liée à une structure imposée par le passé. Les schèmes personnels sont rigides, non reconnus en tant que tels mais conçus comme des faits. L’expression des intentions et des sentiments personnels est globale et manque de nuances. Les contradictions peuvent s’exprimer, mais sont à peine reconnues comme telles.
Troisième stade
Le discours ayant le « moi » pour objet devient plus facile.
Le client parle encore de ses expériences personnelles comme s’il s’agissait d’objets. Le client parle également de son moi seulement en se comparant aux autres, qui lui renverraient l’image de lui-même. Le client parle beaucoup de sentiments et d’intentions personnelles non actuels ou bien les décrit longuement.
Il y a très peu d’acceptation des sentiments. Ceux-ci apparaissent, pour la plupart, comme quelque chose de honteux, de mauvais, d’anormal, toujours plus ou moins acceptable. Des sentiments sont manifestés et quelquefois alors reconnus comme tels. L’expérience vécue est décrite comme si elle appartenait au passé ou bien comme si elle était étrangère au moi. Les schèmes personnels sont rigides, mais il se peut qu’on les prenne pour ce qu’ils sont : des schèmes personnels et non des faits extérieurs. L’expression des sentiments et des opinions est un peu plus nuancée, moins globale que dans les stades précédents. Les contradictions de l’expérience immédiate sont reconnues. Les choix sont souvent reconnus comme inefficaces.
Quatrième stade
Le client décrit des sentiments plus intenses dans la catégorie des affects « non actuellement présents ».
Parfois les sentiments sont exprimés comme s’ils existaient dans le présent, quelquefois aussi ils surgissent contre le vœu du client. Une certaine tendance à éprouver des sentiments « hic et nunc » (ici et maintenant) apparaît, mais assortie de méfiance et de peur devant leur possibilité. Il n’y a guère d’acceptation franche des sentiments, bien qu’une certaine acceptation apparaisse. L’expérience immédiate est moins déterminée par la structure du passé et plus accessible, elle surgit parfois, mais avec un léger retard. Un assouplissement apparaît dans la manière de construire cette expérience ; il y a quelques découvertes de schèmes personnels, lesquels sont nettement reconnus pour ce qu’ils sont. On entrevoit déjà un doute portant sur leur validité.
Les sentiments, les schèmes et les intentions personnels se nuancent avec une certaine tendance à recherche une symbolisation exacte. Le client se rend compte des contradictions et des dissonances entre son expérience immédiate et son moi. Le sujet prend conscience de sa responsabilité concernant ses problèmes mais avec quelque hésitation. Bien qu’une relation étroite avec le thérapeute lui paraisse encore dangereuse, le client en prend le risque jusqu’à un certain degré d’affectivité.
Cinquième stade
Les sentiments sont exprimés librement comme s’ils étaient éprouvés dans le présent.
Les sentiments sont sur le point d’être pleinement éprouvés. Ils commencent à remonter à la surface, en dépit de la peur et de la méfiance que le client éprouve à les vivre pleinement et dans l’immédiat. Un tendant commence à se faire jour : les sentiments éprouvés se réfèrent à une expérience intime. Il y a une surprise et de la peur, rarement du plaisir, à l’apparition de sentiments qui jaillissent à la surface.
De plus en plus le sujet revendique ses propres sentiments et désire les vivre, être son « vrai moi ». L’expérience immédiate s’assouplit, n’est plus distante, fréquemment elle ne surgit qu’avec un léger retard. Les modes, selon lesquels l’expérience est construite, sont très souples. Il y a beaucoup de découvertes originales de schèmes personnels en tant que schèmes, et un examen critique de ceux-ci. Il y a une tendance forte et évidente à l’exactitude dans la différence des sentiments et des intentions. De plus en plus, le sujet accepte de regarder en face ses propres contradictions et incohérences. Le sujet accepte de plus en plus facilement sa propre responsabilité devant les problèmes qu’il doit affronter et se sent de plus en plus concerné par le comportement qu’il a eu. Le dialogue intérieur est de plus en plus libre, la communication interne est améliorée et le blocage réduit.
Sixième stade
Un sentiment qui auparavant a été « bloqué » inhibé dans son évolution est éprouvé maintenant immédiatement.
Un sentiment s’épanouit pleinement. Un sentiment présent est directement ressenti dans toute sa spontanéité et sa richesse. Ce caractère spontané et immédiat de l’expérience et le sentiment qu’elle contient son acceptés, c’est devenu quelque chose de réel, et qui n’a plus à être refusé, craint ou combattu. L’expérience est vécue, elle ne fait pas simplement l’objet d’un « sentiment ». Le moi tend à disparaître en tant qu’objet. L’expérience immédiate, à ce stade, prend vraiment l’aspect caractéristique d’un processus. Une autre caractéristique de ce stade est la détente physiologique qui l’accompagne.
À ce stade, les communications internes sont libres et relativement peu bloquées. La « non-congruence » entre l’expérience du client et la conscience qu’il en prend est fortement éprouvée au moment même où elle disparaît et où s’établit la « congruence ». Le schème correspondant disparaît à ce moment de l’expérience et le client se sent coupé de son cadre de référence habituel. Le moment de la prise de conscience intégrale va devenir un cadre de référence clair et défini. La différenciation de l’expérience affective est claire et fondamentale. À ce stade, il n’y a plus de « problèmes » extérieurs ou intérieurs. Le client vit subjectivement une phase de son problème. Ce n’est pas un objet.
Septième stade
De nouveaux sentiments sont éprouvés avec un caractère d’immédiateté et une richesse de détails à la fois dans la relation thérapeutique et en dehors d’elle.
L’expérience immédiate de tels sentiments est utilisée comme un critère parfaitement clair. Le degré d’acceptation de soi, de ces sentiments changeants, croît de manière continue ; une confiance solide dans sa propre évolution se manifeste. L’expérience immédiate a presque complètement perdu ses aspects schématiques et abstraits et devient réellement l’expérience du processus lui-même ; c’est-à-dire que la situation est vécue et interprétée dans toute sa nouveauté, non en tant que passé.
Le moi devient de plus en plus la conscience subjective et réfléchie de l’expérience immédiate. Le moi est moins fréquemment un objet perçu et beaucoup plus fréquemment quelque chose dont on suit l’évolution avec confiance. Les schèmes personnels sont refondus provisoirement, pour être éventuellement validés par une expérience en cours, mais même alors, ils sont soutenus de manière non-rigide. La communication interne est claire – impressions et symboles étant bien assortis – avec des termes neufs pour des sentiments nouveaux. Le sujet fait l’expérience effective du choix de nouvelles manières d’être.