Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC)
Si les TCC (Thérapies Comportementales et Cognitives) n’ont pas été conçues comme une solution à toutes les pathologies rencontrées en clinique, en revanche, elles ont prouvé, et ceux depuis quelques dizaines d’années, leur efficacité dans le traitement de nombreuses maladies. Des résultats ont particulièrement été notés dans le traitement de la dépression, des troubles alimentaires, des états de stress post-traumatiques (ESPT) ou encore des addictions tabagiques et alcooliques.
De nouvelles demandes de soins en psychiatrie
En France, la culture psychiatrique est issue d’une longue tradition psychanalytique. Les professionnels qui travaillent dans cette spécialité corrèlent toujours leurs observations cliniques à leur connaissance des phénomènes psychiques tels que Sigmund Freud et ses disciples les ont décrits. C’est cette approche qui a donné à la psychiatrie française et à ses psychopathologistes ses lettres de noblesse.
Or, depuis quelques années la psychiatrie de secteur, par le biais des Centres Médico-Psychologiques (CMP), doit faire face à une augmentation exponentielle de la demande de soins. Les personnes qui s’y adressent sortent des modèles "traditionnels", associés généralement à des psychoses. Aujourd’hui nombreux sont ceux qui n’hésitent plus à s’adresser aux CMP pour des troubles qui perturbent leur vie et que la psychiatrie regroupe sous le terme de "souffrance psychique". Tous expriment de manières diverses leurs difficultés à vivre en harmonie avec leur milieu conjugal, familial ou professionnel, ou bien simplement leur incapacité à vivre sereinement leur existence.
La société contemporaine valorise des modèles auxquels beaucoup d’entre nous cherchent à s’identifier, en vain et au prix de difficultés insurmontables. La performance, la pression sociale et médiatique, la culture de l’excellence et de la réussite à tout prix poussent de plus en plus d’individus au-delà de leurs limites. Cette quête impossible les conduit à une dégradation de leur estime de soi qui finit par les submerger totalement. Confrontés à des sensations d’échec répétées beaucoup ressentent alors la nécessité d’un soutien psychologique, sans toutefois en connaitre réellement la nature.
Malheureusement, malgré les outils et les moyens dont ils disposent, les CMP ne sont pas encore préparés à recevoir cette demande de soins. Les délais pour obtenir une consultation s’allongent dans les mêmes proportions que le nombre de patients en attente. La réponse psychothérapique traditionnelle, souvent longue, construite sur des références psychanalytiques, rencontre là l’une de ses limites.
Les Thérapies Comportementales et Cognitives
Contrairement à la plupart des pays européens la France reste très attachée aux psychothérapies d’obédience psychanalytique (30% des thérapies contre 5% en Autriche). Malgré leur longue histoire aux Etats-Unis, les TCC rencontrent une forte résistance de la part d’une majorité des acteurs de la psychiatrie qui ont tendance à se méfier de tout ce qui vient d’outre-Atlantique. Ces thérapies portent pourtant en elles une partie de ce que l’Amérique a toujours su démonter : son pragmatisme.
En effet, face aux arguments de ses détracteurs, chacun pourrait opposer que les TCC ont une meilleure efficience que les cures psychanalytiques traditionnelles. En s’intéressant aux symptômes, sans pour autant nier le patient dans son individualité, elles permettent à ce dernier de retrouver plus rapidement la sérénité qui lui faisait défaut auparavant.
Dans le contexte actuel, axé sur la maîtrise des dépenses de santé, les TCC représentent une alternative qu’il nous faut prendre en compte, au delà des clivages basés sur un anti-américanisme latent ou un désintérêt affiché pour le coût de la santé.
Les TCC ne revendiquent pas d’être une panacée dans le traitement de la souffrance psychique. En revanche elles sont l’objet d’une recherche sans cesse renouvelée qui ne se cache pas mais qui vise à trouver des moyens efficaces pour traiter les troubles psychiques. Dans de nombreuses situations, elles sont capables d’apporter aux patients une résolution durable de leurs problèmes et de leur questionnement, en les aidant à passer un cap difficile de leur existence.
La plupart des individus qui attendent d’un recours à une thérapie une réponse à leurs difficultés n’ont pas besoin d’entreprendre, du moins dans un premier temps, un travail psychanalytique long, complexe et coûteux, pour redonner un sens ou une part de bien-être à leur existence.
Les TCC, un exemple dans la prévention du suicide
Dans le domaine de la prévention la France a accumulé un retard considérable par rapport aux pays anglo-saxons. Le suicide fait chaque années près de 12.000 victimes. La collaboration de la psychiatrie dans la lutte contre ce fléau national est trop timide et les résultats enregistrés sont nettement en deçà de ce que les pouvoirs publics seraient en droit d’exiger.
Dans le contexte d’une crise, il est essentiel pour le praticien de nouer avec le suicidant une relation thérapeutique de bonne qualité, fondée sur une alliance thérapeutique solide. L’approche centrée sur les émotions aide à l’établissement d’une relation de cette qualité. Elle permet la restauration d’une estime de soi et la reprise de liens sociaux qui seront dans un premier temps le seul rempart contre une nouvelle tentative. Les notions "classiques" décrites par Carl Rogers, d’empathie, d’authenticité et de chaleur nécessaire à tout entretien peuvent être ici reprises et adaptées au cas de la crise suicidaire. Le travail cognitif, centré sur les pensées qui émergent au moment où la mort parait être le seul choix possible, permet de réintégrer l’épisode déclenchant dans la réalité du patient pour lui donner un sens. La résorption de la douleur émotionnelle suit l’assimilation de l’évènement aux niveaux cognitif et symbolique. Mais ce travail ne peut être mis en œuvre que par un soutien et un sentiment de compréhension sur le plan émotionnel.
L’approche de la crise suicidaire centrée sur les émotions permet, après l’instauration d’un rapport collaboratif entre le patient et le thérapeute, de mettre en place un champ cognitif qui assure sa résorption en l’élargissant au champ de la pensée.
L’évaluation en santé mentale et les TCC
L’évaluation en santé mentale, surtout dans le domaine des thérapies, rencontre en France une résistance soutenue. Le souci permanent de vouloir renseigner le thérapeute, et par conséquent le patient, sur l’efficacité d’une pratique pour leur offrir un résultat dont la qualité est mesurable devrait inspirer tous ceux qui pensent que leur travail ne peut ou ne doit pas être évalué. En matière de thérapies l’histoire a montré que le dogmatisme, de quelque bord qu’il soit, conduit à des prises de positions extrêmes que le praticien ne vérifie jamais lorsqu’il est en situation humaine de soigner. L’humilité reste toujours la règle lorsqu’il s’agit de pouvoir apporter aux patients l’aide qu’il espère.